MICHEL, tu es né le 26 juin 1933. Ta génitrice t’abandonna à l’âge de 5 mois, en même temps que ton frère aîné, alors qu’elle garda ta sœur près d’elle. Tu fus, le 5 novembre 1933, admis à l’Assistance publique, où la décision fut prise de t’orienter vers l’agence de Montreuil-sur-Mer (Pas-de-Calais). Le directeur décida de te confier à une famille nourricière résidant sur la commune d’Ecquemicourt.
Durant la fin de la Seconde guerre mondiale, l’Assistance publique prit la décision de « t’expatrier », avec d’autres mômes, tes frères d’armes, à l’agence de Connéré-Beillé, dans la Sarthe, afin de vous éloigner des zones de combat. Tu allais être placé au lieu-dit la « Louchetière », à 3 km du village de Le Breille-sur-Merize, trajet que tu faisais à pied pour te rendre à l’école communale.
En novembre 1944, alors que tu avais 11 ans, tu revins à Ecquemicourt, où tu allais vivre au château de cette bourgade, la châtelaine te donnant des cours de lecture et d’écriture. Après l’obtention de ton certificat d’études, à la fin de l’année scolaire, en 1948, tu passas des tests à l’agence de Montreuil-sur-Mer, à la suite desquels tu fus admis, brillamment, à intégrer la « célébrissime » école d’Alembert, l’institution de la seconde chance pour beaucoup d’entre nous !
C’est le 3 octobre 1948 que tu allais faire ton entrée par la grande porte de cet établissement plus que centenaire, qui a accueilli des milliers de mômes de l’Assistance près d’un siècle durant. Après les tests d’orientation, tu intégras le pôle imprimerie. Au cours de la seconde année, on te nomma au bureau du « secrétaire du directeur », en compagnie de deux « anciens », les amis Consalvo et Vondelen, où ton « travail » consistait à classer des dossiers et, parfois, répondre au téléphone. En quatrième année, en ta qualité de « vétéran », tu allais être promotionné au grade de moniteur général, avec à la clé la responsabilité de 35 « bleus ».
À la fin de ta quatrième année, alors que tu t’apprêtais à faire tes gammes dans l’industrie, le destin en décida autrement. Comme tu étais déluré et un très bel éphèbe, tu plaisais aux filles. Tu avais connu une demoiselle de Lagny que tu as fréquenté assidûment. Attiré par ses parents, tu es entré dans sa famille, où le meilleur accueil te fut réservé. Le mariage (trop) précipité, ne fut pas synonyme de vie calme. « Heureusement », sans enfant, le divorce fut tout aussi rapide et se déroula sans histoire. Après avoir pris une location près de l’Opéra, tu allais travailler dans diverses petites imprimeries de quartier, très nombreuses à l’époque.
En 1954, l’heure du service militaire avait sonné. Selon l’expression consacrée, tu fus donc appelé sous les drapeaux, où tu fis tes classes à Vernon (Eure). À la suite tu seras envoyé à Vincennes, avec de prime abord, un séjour « cool » à Saint-Thomas-d’Aquin, durant trois mois, avant de réintégrer Vincennes. Après le refus du directeur d’agence de te laisser t’engager dans la Légion étrangère, ce fut un peu le tournant de ta vie. On te proposa d’intégrer l’AIA (imprimerie de l’école militaire de Paris). À la fin de ton service, tu pris la décision irrévocable de quitter l’imprimerie, ton stage à l’AIA t’en ayant définitivement convaincu.
Tu allais « embrasser » la profession de représentant de commerce, aujourd’hui on préfère dire commercial, « c’est mieux », un peu comme « technicien de surface » ! Tu commenças cette nouvelle carrière au sein des assurances, plus précisément aux AGF, avant d’être engagé à la revue « Réalités », où tu allais exceller et faire montre de tout ton talent oratoire de bateleur de foire pour vendre des abonnements à foison dans toute la France. Comme le disait ma grand-mère tu aurais vendu un âne dans un sac à un aveugle.
Lors de tes pérégrinations tu découvris une maison à vendre à Candé-sur-Beuvron (41), un véritable coup de foudre pour toi. Ni une ni deux, tu décidas d’acheter cette belle bâtisse et ses 5.000 m2 de terrain avec ses pommiers en espaliers, donnant un accès direct sur la rivière du Beuvron.
En mai 1962, alors que tu participais aux Floralies de Valenciennes, à proximité de ton stand « Réalités », se trouvait le stand attribué aux Éditions Bayer, tenu par une jeune et très belle fille. Avec toi, c’est chasse le naturel il revient au galop. Tu ne peux t’empêcher, en tout bien tout honneur, d’engager un brin de causette avec cette charmante demoiselle. Sans le savoir, c’est à instant qu’Annie allait entrer dans ta vie.
Ta princesse habitait au Vésinet (78), un havre de paix à cette époque. Comme tu es un garçon pressé, tu ne fais jamais dans la demi-mesure, après l’accord des parents d’Annie, tu décidas de fêter vos fiançailles (aujourd’hui ça ne se fait plus !), le soir de… Noël 1962, avant de l’épouser quelques mois plus tard, à la mairie du Vésinet. Cette fois-ci ce fut la bonne, pas question de divorcer l’année suivante.
Vous vous êtes installés dans un appartement à Croissy-sur-Seine (78), là où la petite Anne est venue égayer votre foyer. La famille allait s’agrandir, rapidement, avec la naissance de Sandrine, puis celle de Jérôme. Avec toute cette grande famille, vous fûtes dans l’obligation de déménager, votre nid douillet s’avérant trop exigu. Vous décidez d’acheter une maison à Montesson (78), où le petit dernier de la fratrie Bertrand, François, allait naître. La famille était maintenant au complet, elle comptait deux filles et deux garçons.
Alors que la société « Réalités » – triste réalité – allait péricliter, tu entras au sein de l’entreprise Larousse où tu ne restas point très longtemps. Suivra un séjour à la « Guilde du disque » (TDF), ce qui vous obligea à déménager une nouvelle fois. Avec Annie, vous eûtes le coup de foudre pour une belle demeure située au lieu-dit « le Château », à Sylvains-les-Moulins (Eure).
Rapidement – comme toujours – tu allais obtenir un poste de responsable de distributeur d’électrophones chez « Sélection du Reader’s Digest ». Au cours de ces années de labeur, tu créas deux entreprises. L’une en lien avec « Finecœur », un magasin hi-fi d’Évreux, et l’autre à Guichainville, en association avec tes deux fils, Jérôme et François, pour la distribution de livres dans les bibliothèques.
En fait, c’est à Guichainville, dans l’Eure, que toute la famille allait s’épanouir, où souvent de grandes et belles fêtes y furent organisées. C’est un fait incontestable et incontesté, dans la famille Bertrand on savait rire et on aimait la convivialité. Vous aviez plaisir à recevoir votre famille, vos nombreux amis et autres copains.
À cette époque, pour obtenir des prêts à des taux intéressants, il fallait construire sa maison, c’est ce que vous fîtes sans perdre un seul instant. Cette construction allait vous rapprocher de la « capitale », Évreux.
Les années passant et toujours cette envie chevillée au corps de bouger, notamment de se rapprocher de Damville, vous allez vous mettre à la recherche d’une maison pas « trop grande ». Votre choix s’arrêta sur une longère normande, nantie d’un beau terrain. C’est d’ailleurs là que vous organiserez une grande réunion d’Alembertins, rassemblés autour d’un méchoui, dans une ambiance indescriptible et bon enfant, comme toujours chez les Bertrand.
Hélas, la vie n’est pas un long fleuve tranquille, nous le savons tous. Le 11 mars 2011, un AVC allait terrasser ton épouse, TON Annie, te laissant seul, tout comme tes enfants, avec un chagrin immense, une peine incommensurable. Heureusement, ta fratrie a été formidable, elle a su t’entourer afin que tu puisses, au fil des mois, reprendre goût à la vie, toi l’épicurien, qui croquait la vie à pleines dents, avant que le destin tragique t’enlevât Annie.
L’été 2013 fut spécial pour toi. Après avoir accepté une invitation d’amis pour le 14 juillet, tu fis la connaissance de Claude, une Canadienne, de passage à Paris. Avec Claude, vous vous êtes découvert beaucoup de points communs, vos deuils, votre vie passée, vos enfants, etc. La convivialité, la mer, la suite de l’histoire fut belle, puisque vous décidâtes de faire un bout de chemin ensemble, vous partageant entre le Québec et Évreux, parfois chacun de votre côté, parfois en couple. Vous vous êtes vus, pour la dernière fois en septembre 2020, avant que Claude ne s’en retournât au Québec sans que vous ne pussiez vous revoir, la crise sanitaire vous y contraignant.
Au début de l’année 2015, de retour d’un séjour au Québec, alors que tu étais seul dans la longère des Minières, tu as été victime d’un malaise. Tes enfants t’ont encouragé à déménager à Évreux, dans un appartement adéquat et sécurisé. C’est là que tu allais finir ta vie, entouré des tiens, de tes amis et, parfois, de Claude.
Mon cher « Mimi », c’était ton surnom, tu as eu une vie « riche », palpitante, pleine de rebondissements. Tu as connu et réalisé de belles choses, tu n’es jamais resté les « deux pieds dans le même sabot ». Tu as eu à affronter des peines mais tu as eu nombre de joies, notamment avec la magnifique famille que vous avez fondée avec Annie. Tu as toujours vécu ce que tu voulais, tu n’as pas subi les événements, tu as, inlassablement, osé aller de l’avant et su prendre des risques calculés ou pas.
Ton humour légendaire, volontairement « décalé » et souvent du 3e degré, faisait de toi un personnage incontournable et inimitable. Pour ceux qui ne te connaissaient pas, cela pouvait leur paraître, parfois, déroutant, alors que ce n’était jamais méchant. Tu ne laissais pas indifférent, tu avais toujours des histoires, quelquefois agrémentées à la sauce « Mimi », que nous aimions à écouter, notamment quand tu partais dans de grandes « envolées lyriques ». Nous avions plaisir à te rencontrer et, nous aussi, nous aimions à te « chambrer », puisque nous savions que, dans ton for intérieur, tu n’attendais que ça.
Juste pour l’anecdote, je me souviens de tes 80 ans, célébrés dans cette belle longère normande. Le samedi après-midi, tu nous avais montré ton jardin où, hélas, il n’y avait quasiment aucun légume. Allez savoir pourquoi, alors que tu n’avais rien planté ni semé, le dimanche midi, à la surprise générale, devant tes yeux ébaubis, tu allais découvrir ce beau carré de terre empli de nombreux et beaux légumes de toutes sortes, prêts à être dégustés. Nous étions là face à un véritable miracle, pourtant nous n’étions pas à Lourdes. Depuis l’avènement de ce jardin extraordinaire, tu as fait de nombreux envieux parmi les invités alembertins !
Mon cher « Mimi », c’était ton surnom, aujourd’hui tu es parti, nous laissant orphelins, nous tes amis alembertins. Nous sommes tristes, tu nous manques déjà ! À cet instant, au nom des anciens d’Alembertins, permets-moi d’avoir une pensée pour tes enfants et petits-enfants ainsi que pour Claude, bien seule au Canada, depuis ton départ pour un « nouveau monde ».
Paix à ton âme, repose en paix, nous ne t’oublierons pas… ADIEU L’AMI MIMI !
Guylem Gohory (président des anciens d’Alembert)
